La libéralisation de l’espace audiovisuel en Côte d’Ivoire et la diffusion de plus en plus importante de la TNT ont enrichi l’industrie audiovisuelle ivoirienne avec l’apparition de chaines privées et la création de nouvelles chaines au sein du groupe RTI.
Cette longue attente – les Ivoiriens se sentaient même en retard d’autant plus que les voisins avaient déjà des chaines privées – est comblée de fort belles manières comme le témoignent la part de plus en plus importante des chaines TV gratuites dans la Médiamétrie et la large diffusion de leurs contenus sur les réseaux sociaux et leurs reprises quasi-systématique par des médias sociaux étrangers. Cette embellie ne doit pas masquer les difficultés de nos champions nationaux confrontés à la rude concurrence internationale et aux faiblesses du marché publicitaire, clé de voûte de leur modèle économique. La question est tellement cruciale que la HACA n’a pas hésité a organisé, en juin 2021, une table ronde avec tous les acteurs pour assurer la pérennité du secteur.
Fort heureusement, les travaux ne sont pas restés lettre morte, dans deux décisions prises la semaine dernière, la HACA a pris des mesures fortes notamment l’interdiction « aux chaines de télévision basées en dehors de l’espace UEMOA de vendre des espaces publicitaires aux annonceurs ivoiriens » et celle « aux chaines de télévision payantes ou aux distributeurs de chaines payantes disposant déjà des droits de diffusion en télévision payante d’acheter également les droits de diffusion d’évènements sportifs majeurs devant revenir aux chaines gratuites nationales ».
Quels sont les enjeux de ces décisions ?
Comme partout ailleurs, les chaines gratuites, vivent essentiellement des recettes publicitaires. Mais très tôt, les prévisions des chaines gratuites se sont avérées largement supérieures à la réalité. "et ce marché aujourd’hui est bien à la traîne par rapport à ce qu’on aurait pu imaginer".
Fabrice Sawegnon affirmait à ce sujet : « On est aujourd’hui sur un marché (publicitaire estimé) entre 10 et 13 milliards Fcfa, qui est largement en dessous des prévisions qui étaient au moins au double », ajoutant que « ce petit marché de 10 milliards est exploité par plus de 10 chaînes ». Cri de cœur du patron amplifié par la forme du marché publicitaire audiovisuel. S’il a connu un temps de légères embellies, le 3 ème trimestre 2022 enregistrait une faible baisse (-5%) et le 4 ème trimestre 2022 en forte baisse (-18,9%).
Dans ce contexte, la décision de la HACA qui consiste, dans le Secteur télévisuel, a réservé la vente d’espaces publicitaires aux annonceurs ivoiriens aux éditeurs des chaînes et services de télévision ivoiriens agréés par la HACA, aux éditeurs des chaînes et services de télévision opérant et disposant d’une licence dans un pays membre de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) ainsi qu’aux chaînes internationales émanant d’organisations d’États francophones est une aubaine, une chance pour la viabilité du modèle économique de nos champions nationaux.
En effet, des grands groupes, bénéficiant déjà de frais d’abonnement, concurrencent nos champions nationaux et compromettent leurs survies. Sans rentrer dans un protectionnisme rétrograde, il est important de protéger nos entreprises et faire une différence entre les modèles de financement. Autre décision importante, la HACA indique qu’une chaîne payante ne peut pas se réserver l'exclusivité de la retransmission de l'un de ces événements sportifs majeurs. Avant de préciser qu’ainsi une chaîne payante ou un distributeur de chaînes payantes ne peut en acquérir les droits de diffusion en télévision gratuite. Il faut comprendre que les évènements sportifs majeurs boostent les ventes d’espaces publicitaires. Pour preuve, en 2022, la chaine NCI diffuseur exclusif de cette compétition en Côte d’Ivoire a progressé de + 62% en novembre et de + 46% en décembre, (hors sponsoring) confirmant ainsi l’importance de ces événements à forte résonance et le recul spectaculaire du marché publicitaire TV ivoirien pris dans sa globalité. Il convient donc de féliciter la HACA pour ses mesures justes et importantes. Elles devraient continuer sur sa lancée. Il y va de l’avenir de nos champions nationaux qui, plus est, sont des ambassadeurs de la Côte d’Ivoire.
Par Dr Arthur Banga