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Sport Publié le 14 février 2024 | Abidjan.net

Tribune libre : Hommage à Yacine Idriss Diallo, président de la FIF (Fédération ivoirienne de football)

© Abidjan.net
Tribune libre : Hommage à Yacine Idriss Diallo, président de la FIF (Fédération ivoirienne de football)

Je ne suis pas un grand spécialiste de football, même, si comme tous les Ivoiriens, je vis avec passion les matches du championnat national et ceux que disputent les « Eléphants » lors des compétitions internationales. Comme tout le peuple ivoirien, j’ai vibré aux exploits de notre équipe de football lors de la CAN 2024. S’il faut remercier le Président Alassane Ouattara, qui s’est totalement investi pour que soit organisée, sur le sol ivoirien, « la plus belle des CAN », s’il faut souligner aussi le rôle essentiel joué par le Premier ministre Robert Beugré Mambé, le Ministre délégué des Sports Adjé Silas Metch et le COCAN qui ont permis que nous soyons prêts le jour « J », si, au plan sportif, l’entraineur Emerse Faé et ses joueurs sont devenus les héros de toute une Nation, nous offrant un moment privilégié dans l’histoire du sport ivoirien, mais aussi dans l’histoire de la Nation, il me paraît important, dans l’euphorie du sacre des « Eléphants », de ne pas oublier un personnage-clef dans le football ivoirien, Yacine Idriss Diallo, Président de la FIF (Fédération Ivoirienne de Football), auquel je voudrais rendre hommage. Sport planétaire, le football est, dans une Afrique en pleine mutation, un outil du soft power qui dessine les formes nouvelles de l’influence, du rayonnement et de la puissance d’un Etat.  


La mission de Yacine Idriss Diallo, depuis son élection à la tête de la FIF le 23 avril 2022, a été de redonner une crédibilité à la Fédération et des couleurs au football ivoirien, l’équipe nationale ne s’étant pas qualifiée pour les Coupes du monde en 2018 et 2022 et restant sur deux éliminations en quart et en huitième de finale lors des deux dernières Coupes d'Afrique des Nations. Parce qu’il a été l’un des principaux artisans de la transformation du football ivoirien, il mérité d’être associé à la célébration du sacre des « Eléphants ».


Le soutien du monde de football


Le monde du football amateur et professionnel, soutient Diallo, depuis qu’il a intégré la FIF en 1988, occupant le poste de vice-président, Passionné de football, il a été lui-même, jusqu’en 2002, vice-président de l’un des plus grands clubs ivoiriens, l'Asec Mimosas qui compte 27 titres de Champion de Côte d'Ivoire et qui a remporté 21 fois la Coupe nationale. À partir de 2002, il se consacre entièrement à sa fonction de Vice-président de la fédération. En charge de la commission de marketing et de la promotion, il se fixe deux objectifs : 1) moderniser l’image du football ivoirien 2) lui donner les moyens financiers de se développer. Il met en œuvre ce qui semble évident aujourd’hui : la recherche des sponsors, le développement du merchandising et l’organisation d’événements autour du football. Pour Yacine Idriss Diallo, la FIF et les fédérations sportives sont des acteurs à part entière de l’économie ivoirienne. Idriss Diallo sait que l'économie du sport demande de dépasser le cadre sportif pour élargir ses horizons de pensée. 


La CAN a montré que le sport est un accélérateur de l’économie ivoirienne : réalisation d’infrastructures (stades, routes), tourisme, santé, etc.). Pour Idriss Diallo, les financements publics ne suffisent plus, il faut exploiter la croissance exponentielle du secteur sportif marchand.


Yacine Idriss Diallo, un acteur de la mise en cohérence de l’écosystème économique du football


L’écosystème économique du football en se dynamisant à travers les résultats du haut niveau permet alors de financer le football amateur. Yacine Idriss Diallo a toujours voulu clarifier et simplifier les relations complexes d’interdépendance entre le haut niveau et le football amateur, entre l’Etat et la FIF. Le travail de Yacine Idriss Diallo à la tête de la FIF vise à mettre en cohérences tous les acteurs de l’écosystème du football : les institutions (Etat, ministères), les fédérations et ligues, etc.), les clubs et joueurs professionnels et amateurs, les investisseurs, les sponsors, les équipementiers, les prestataires, les agences de com, les médias, etc. Certains s’arrêtent, dans une vision à courte vue, aux résultats de l’équipe nationale. Yacine Idriss Diallo n’est pas le sélectionneur-entraîneur de l’équipe nationale, son rôle est de créer les conditions pour que le sélectionneur-entraineur des « Eléphants » puisse travailler en toute sérénité. C’est pour cela que Yacine Idriss Diallo a toujours voulu, au-delà de l'organisation de la pratique fédérée, installer la FIF comme organisatrice d'événements qui, pour certains comme la CAN, génèrent des revenus importants. Malgré la manne financière qu’ils génèrent, Idriss Diallo, en bon gestionnaire, sait que certaines retombées économiques des grands événements sportifs de portée mondiale comme la CAN restent difficiles à déterminer et qu’il existe, en coût d’organisation de l’événement, de nombreux secteurs de faible rentabilité, voire de pertes, On voit que le spectre de la réflexion du Président de la FIF, qui a intégré la FIF en 1988, ne s’arrête pas à un événement, aussi prestigieux soit-il, comme la CAN. Sur un point précis, Yacine Idriss Diallo considère que la reconnaissance de la filière sport par l’Etat passe par trois ministères : le sport, l’économie et les affaires étrangères. Inlassablement, Idriss Diallo cherche à structurer tous les acteurs de la filière du football : l’Etat, les professionnels de la filière économique, afin que la FIF soit véritablement un outil opérationnel au service du football ivoirien et de l’économie nationale.


Existe-t-il une fracture entre Idriss Diallo et les supporters ?


Lors des festivités organisées au Stade Félix Houphouët-Boigny pour célébrer le sacre des « Eléphants », Yacine Idriss Diallo a été sifflé par une partie de la foule des supporters qui voulaient ainsi marquer leur désaccord avec la façon dont la FIF est dirigée. Les cris de “On veut Didier Drogba“, la légende du football ivoirien, ont succédé aux sifflets. Ces cris et ces sifflets sont profondément injustes. D’ailleurs, les joueurs ont tenu à afficher leur soutien à Diallo, le portant en triomphe pour souligner son remarquable travail effectué à la tête de la FIF. Les supporters oublient que Yacine Idriss Diallo a été élu président de la FIF, en 2022, après une crise qui a duré près de quatre ans et demi. Diallo a obtenu, au second tour, 63 voix contre 61 voix à Sory Diabaté, un autre cadre de l'institution.


 Drogba est une légende, Diallo est un homme de terrain qui, depuis 1988, travaille avec tous les acteurs du football ivoirien (Présidents de club, joueurs, centres de formation, etc.). Son élection est une reconnaissance du travail accompli depuis 36 ans. Didier Drogba a un rôle essentiel à jouer dans le développement du football ivoirien. Dès son élection à la tête de la FIF, Yacine Idriss Diallo a d’ailleurs tenu à lui rendre hommage : « Je voudrais féliciter Didier (Drogba) qui a eu le courage de s'engager dans cette course et qui a rendu cette élection plus que populaire au-delà de nos frontières ». Interrogé par les journalistes, Didier Drogba a tenu à féliciter Diallo : « Les élections se sont bien déroulées, je félicite le nouveau président pour son élection. » Il n’existe pas de fracture entre Drogba et Diallo. Seul le tribunal populaire, avec des supporters qui attendent des résultats depuis des années, instruit le procès de Diallo. On peut comprendre l’impatience des supporters qui regardent la lumière que diffusent les légendes. On peut comprendre le choix des présidents de clubs ivoiriens qui constituaient l'écrasante majorité des votants lors de l’élection du président de la FIF. Diallo n’a pas été élu contre Drogba, il a été choisi, en 2022, pour sa parfaite connaissance du football local. La fièvre des soirs de sacre conduit à glorifier les légendes des stades et à oublier le travail des hommes de terrain. Drogba a été le meilleur avant-centre du monde et l’un des meilleurs buteurs de sa génération. Il est, pour la jeunesse ivoirienne, un phare qui les guide vers l’excellence. Diallo doit savoir l’impliquer dans les actions de la FIF pour la raison suivante : le sacre des « Eléphants » lors de la CAN n’est pas un aboutissement, mais, au contraire, le début d’une série de matches de qualification pour la Coupe du monde 2026. La CAF verra 54 équipes nationales africaines s’affronter pour 9 ou 10 qualifiées.


Yacine Idriss Diallo et Didier Drogba, un même combat : faire du football un instrument de réconciliation et de fierté nationale


Le football n’est pas simplement une activité sportive et une distraction populaire, c’est aussi un instrument de réconciliation nationale et de fierté. Notre histoire récente, faite de soubresauts tragiques, montre que Didier Drogba a été, en 2007, l'incarnation de l'unité ivoirienne. Observateur du football africain, Steve Bloomfield écrit dans son livre « Africa United »: « Dans ce contexte de crise, l'équipe de football devint une des rares choses que les Ivoiriens, qu'ils soient du Nord ou du Sud, chrétiens ou musulmans, pouvaient encore soutenir au-delà des innombrables clivages. » 


Je ne fais pas d’angélisme. Je n’oublie pas les dérives du football africain au détriment du jeu. Quelles sont ces dérives ? L’ingérence du pouvoir politique et de l’argent, la fuite des meilleurs joueurs, les agents véreux, la rivalité entre les grands clubs ou les Etats, etc. Le football africain ne peut se passer ni des Diallo ni des Drogba pour assainir sa situation.


C’est pour cela que je voulais rendre hommage à Yacine Idriss Diallo pour son travail à la tête de la FIF, sans oublier Didier Drogba, toujours impliqué dans des actions en faveur de la réconciliation et de la paix. En 2010, le magazine américain « Time » inclut Didier Drogba dans le « Time 100 », la liste des 100 personnalités mondiales les plus influentes, notamment pour son rôle dans les efforts de réconciliation en Côte d'Ivoire. Dans mon esprit, Yacine Idriss Diallo et Didier Drogba, participe à un même combat : faire du football un instrument de réconciliation et de fierté nationales, sans chauvinisme, ni nationalisme exacerbé. Pour Diallo et Drogba, le football participe à la construction d’un « modèle ivoirien ».


Prof JUSTIN KOFFI N’GORAN

Professeur Titulaire des Universités

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