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Sport Publié le 22 novembre 2022 | AIP

La santé digitale pour renforcer la Couverture maladie universelle (Feature)

© AIP
La santé digitale pour renforcer la Couverture maladie universelle (Feature)

La Couverture maladie universelle (CMU) est, officiellement, opérationnelle en Côte d’Ivoire depuis le 1er octobre 2019, après trois ans de phase pilote. Sauf qu’une bonne partie de la population rechigne encore à y adhérer. Ce, en raison des difficultés persistantes d’accès aux soins de santé dans le pays, qu’elle continue de rencontrer malgré la mise en service de la CMU, et en dépit des investissements massifs dans le secteur sanitaire ces dernières années. Pour combler assez rapidement ce gap, les autorités sanitaires sont engagées, concomitamment aux efforts d’amélioration des plateaux techniques des centres de santés, dans un vaste programme de digitalisation des prestations dans le secteur à travers e-santé, télémédecine, gestion administrative dématérialisée des patients…


 « Lutter contre les déserts médicaux »


Dans un pays où, en 2016, la moyenne densité de personnels médicaux était de 5 pour 10 000 habitants, là où la norme recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est de 23 pour 10 000 habitants, les solutions numériques de prise en charge à distance des malades, semblent de plus en plus se positionner comme une panacée à cette situation.


La consultation à distance avec la télémédecine, permettant à des patients en zones reculées d’avoir accès à des spécialistes via une plateforme digitale, est en train de faire son chemin vers sa popularisation. Pour ce faire, la télémédecine s’appuie sur les outils de l’e-santé, qui consiste, pour sa part, en l’application des technologies de l’information et de la communication (TIC) à l’ensemble des activités en rapport avec la santé.


Il existe à cet effet deux niveaux de télémédecine : d’abord la « télémédecine basse » destinée à instaurer une communication régulière entre les centres de santé ruraux (CSR), dépourvus de médecins, et les centre de santé urbains (CSU) ou établissements hospitaliers où se trouvent les médecins généralistes. Et ensuite la « télémédecine haute » qui vise à améliorer l'accessibilité des populations aux soins spécialisés.


« La télémédecine permet vraiment de lutter contre les déserts médicaux, d’amener les soins médicaux là où il n’y en a pas. Elle permet aussi la collaboration interdisciplinaire entre praticiens de sorte que le malade n’ait pas besoin de se déplacer dans plusieurs centres pour un même diagnostic. Il est donc clair que la télémédecine est conçue pour nous les pays en développement qui manquons de beaucoup de choses en matière de santé », explique à l’AIP le sous-directeur en charge du Plan national de développement de la télémédecine (PNDT) en Côte d’Ivoire, Dr Berthé Abdramane.


Ce programme mis en œuvre par le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, sur la période 2019-2025, avec l’appui financier de la Banque mondiale, vient d’achever courant 2022 une phase pilote exécutée dans une vingtaine de centres de santé du pays.


Ces établissements sanitaires dont le CHU de Bouaké (Centre), les hôpitaux de Tengrela (Nord), Minignan (Nord-Ouest), Aboisso (Sud-Est), ont été équipés en salles de téléconsultation, avec du matériel de pointe, connectées à l’Internet haut débit.


Selon le site télémedaction.org spécialisé dans la promotion de la télémédecine, la Côte d’Ivoire fait partie aujourd’hui des pays d’Afrique subsaharienne les plus avancés en matière de déploiement de la télémédecine. Avec en prime une loi portant réglementation de la télémédecine adoptée en 2019.


« Il existe en Côte d'Ivoire un modèle abouti de télémédecine haute en cardiologie », commente le site.


Après la phase pilote, l’Etat est en train de doter 70 hôpitaux et 100 établissements de premier contact d’un système d’information hospitalier prévoyant la pratique de la télémédecine. Ces nouvelles installations techniques devraient être opérationnelles d’ici fin avril 2023.


Pour l’heure, l’on enregistre, d’après le PNDT, environ 900 téléconsultations par mois, essentiellement dans les spécialités de cardiologie, ECG, diabétologie. Mais le pays ambitionne d’atteindre une capacité mensuelle de 11.000 actes de télémédecine.


Quant aux établissements sanitaires privés, ils peuvent demander une autorisation auprès du ministère en charge de la Santé pour développer en leur sein un service de télémédecine.


Pour l’essor de la CMU


Pour l’économiste de la santé, Joachim Koffi, conseiller technique chargé de la Couverture maladie universelle au ministère de la Santé, la santé digitale sera l’un des piliers de la CMU.


« Car cela permettra d’utiliser les technologies pour faire des prestations à distance, un moyen de rapprocher beaucoup plus les populations des soins de santé et à coût réduit », souligne-t-il.


Un assuré CMU victime d’AVC par exemple n’aura plus besoin de passer plusieurs mois en hospitalisation en cardiologie. Par téléconsultation, le neurologue peut aider le médecin généraliste à le prendre en charge depuis centre de santé de sa localité d’habitation, illustre-t-il.


Tous les Ivoiriens doivent obligatoirement souscrire au régime général de base (contributif) de la CMU, en s’acquittant de la cotisation mensuelle de 1 000 F CFA, qui leur assure une prise en charge à 70 % de leurs frais médicaux par la Caisse nationale d’assurance maladie (créée en 2014).


En attendant le passage à l’échelle de la télémédecine sur tout le territoire, des assurés de la CMU en profitent déjà grâce au projet pilote. Nestor K., un sexagénaire retraité vivant à Korhogo dans le Nord, affirme ne plus avoir besoin de parcourir plus de 300 km pour se rendre à Bouaké pour ses contrôles.


« Je me rends au CHR de Korhogo, et par téléconférence j’échange avec le spécialiste sur l’évolution de mon état et il me donne des directives sur la suite de mon traitement », témoigne ce patient.


« C’est un vrai soulagement pour moi de ne pas effectuer ces voyages qui fragilisaient davantage mon état de santé, mais surtout, qui m’épuisaient financièrement. Or avec la téléconsultation couverte par la CMU, je paye à peine 2000 francs CFA », poursuit-il.  


L’un des gros avantages de la santé digitale, relève Dr Berthé Abdramane, c’est de « démocratiser l’accès à un médecin spécialiste », la Côte d’Ivoire disposant d’un médecin pour 10.000 habitants. Juste à la norme OMS, mais très loin derrière des pays comme les Emirats Arabes Unis qui en sont à 400 médecins pour 10.000 habitants.   


Toutefois, prévient le scientifique, pour arriver à un meilleur maillage du territoire, deux conditions doivent être réunies : la formation et une bonne préparation.


Et c’est à ce niveau que l’Institut national de Santé publique (INSP), dont la mission repose surtout sur la formation continue des personnels de santé, mais aussi la recherche et les prestations de service de santé, pourra jouer une part prépondérante. 


L’INSP, le « super hub » de la formation continue en ligne


L’Institut dispose déjà, grâce à un appui de l’OMS, d’un hub d’e-santé destiné à renforcer les capacités des personnels de santé à distance. Ce dispositif, selon l’attaché de recherche et chef du service e-santé de l’INSP, Dr Mory Gbané, a permis de former à distance plus 10.000 professionnels en moins d’un mois au début de la crise sanitaire du covid 19.


L’institut forme déjà en ligne les médecins généralistes à la prise en charge de certaines complications liées à des maladies comme le diabète. Et lorsque des patients présentent des complications plus sérieuses, l’INSP peut mettre en lien le généraliste depuis l’intérieur du pays avec un diabétologue pour l’assister dans la prise en charge.


Pour faire face au défi de la formation massive de professionnels nécessaire pour une mise en œuvre efficace de la CMU, l’INSP a équipé l’ensemble des 113 départements sanitaires du pays en kit de visioconférence.


« Former en présentiel peut être couteux. Notre dispositif est aujourd’hui capable de former par téléconférence 10.000 professionnels par semaine, notamment en renforçant leurs capacités dans des spécialités », fait savoir Mory Gbané.  


Bien plus, l’INSP est doté d’un « super hub » qui permet la collaboration en matière de formation et d’échanges d’expériences interdisciplinaires entre les praticiens de Côte d’Ivoire et ceux d’autres pays africains, selon le modèle d’étude de cas.


Des sous-disciplines sont donc créées à cet effet : e-diabétologie, e-pédiatrie, e-cardiologie, etc.


Le hic, c’est que toutes ces innovations ne vont pas sans un flux de données à caractère personnel, ce qui inquiète de nombreux observateurs quant aux risques d’utilisation de ces données à des fins délictueuses. 


Protection des données, la grande inquiétude


Face à ces préoccupations qui pourraient susciter des réticences face à la santé digitale, les spécialistes se veulent rassurants.


Le PNDT indique que les données cliniques de chaque patient seront consignées dans un « dossier patient informatisé », la Côte d’Ivoire s’étant dotée d’une loi de protection des données à caractère personnel depuis 2013.


Ce dossier est contenu dans un registre de consultation des médecins qui se trouve lui aussi dans une application protégée par chiffrement.


Ainsi, la pratique de la télémédecine n’est autorisée qu’en milieu de soin. Même s’il existe des cas de figure où des patients sont permis sur avis du médecin traitant, d’utiliser leurs smartphones pour certaines prestations comme le conseil, la télésurveillance, en encore le suivi/contrôle à distance.


Dr Mory Gbané de l’INSP estime pour sa part que le système de protection des données avec la e-santé, va même permettre de favoriser un renforcement de l’approche One Health (Une seule santé), en raison de la fiabilité de ces données pour une meilleure évaluation des pathologies dues aux interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements.


Depuis le Sénégal, le groupe d'action politique et de plaidoyer, Speak up Africa, a lancé le Réseau de santé numérique de l’Afrique de l’Ouest francophone, afin de sensibiliser à la valeur ajoutée de la technologie dans les soins de santé et d’engager toutes les parties prenantes concernées à cet égard.


En Côte d’Ivoire, alors que le secteur privé s’intéresse de plus en plus à la santé digitale, avec la création de start up dédiés à ce secteur, le ministère de la Santé envisage de son côté de permettre aux établissements ivoiriens de collaborer avec des médecins à l’étranger. Ces derniers devant être accrédités par l’Ordre des médecins du pays pour accompagner le déploiement de la CMU.  


(AIP)

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