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Sport Publié le 2 mai 2022 | AIP

Le swollen shoot, cauchemar numéro 1 des producteurs de cacao dans la Nawa (Reportage)

© AIP
Le swollen shoot, cauchemar numéro 1 des producteurs de cacao dans la Nawa (Reportage)

Soubré- Le swollen shoot ou sida du cacao pour certains est une maladie virale qui s’attaque uniquement au cacao au pont de troubler aujourd’hui le sommeil des producteurs de cacao ivoirien, particulièrement pour ceux de la région de la Nawa, boucle du cacao ivoirien.


Cette maladie tire son nom du gonflement qu’elle provoque sur les tiges de cacaoyers qu’elle attaque, et est la principale cause de la chute drastique des rendements et de la dégradation du verger dans la Nawa.


Quelles sont les conséquences pour la production cacaoyères, quelles sont les mesures entreprises et les résultats obtenus pour éradiquer la maladie, et quelles perspectives pour le premier produit d’exportation de notre pays.


Reportage au cœur d’une maladie devenue le cauchemar numéro un des producteurs de cacao dans la région de la Nawa.


Les symptômes de la maladie


Maladie virale, pernicieuse et dévastatrice, le swollen shoot, au dire du technicien N’Doumi Mathieu, chargé de la production végétale à la zone de l’Agence nationale d’appui au développement rural (ANADER) de Soubré, est identifiable de façon systématique sur les feuilles, les tiges, les racines et les cabosses de cacaoyer.


« Elle se caractérise surtout par l’apparition de bandes rouges-foncées le long des nervures sur les jeunes feuilles issues des poussées foliaires n’ayant pas encore acquis la couleur verte », explique M. N’Doumi.


Un technicien anader dans une parcelle atteinte


Selon lui, lorsque les feuilles se développent et acquièrent la couleur verte, les bandes rouges deviennent de moins en moins visibles puis disparaissent progressivement pour faire place à des taches jaunes le long des nervures. Ces taches restent visibles jusqu’à la chute de la feuille sur les tiges du cacaoyer. « Le gonflement est la manifestation pratique de la maladie », ajoute-t-il.


L’agent ANADER poursuit pour dire que le swollen shoot est plus visible et frappant au niveau des cabosses qui connaissent une déformation et une réduction de la taille et de façon générale, les arbres infectés produisent peu de cabosses de petites tailles avec les formes arrondies. A l’intérieur de la cabosse, les fèves sont généralement de tailles réduites avec une proportion frappante de fèves plates.


Une maladie aux conséquences graves


Le swollen shoot est une maladie pernicieuse aux conséquences graves avec la dégradation désastreuse du verger cacaoyer qu’il provoque ainsi que la chute drastique des rendements.


Technicien de l’ANADER aussi chargé des cultures pérennes, N’Doumi Mathieu, précise que l’un des premiers signes annonciateurs de sa présence dans le cacaoyer est la chute des feuilles de cacaoyer dans la zone infectée. Cette chute des feuilles de cacaoyer intervient à ce stade précoce de la poussée foliaire, entrainant le ralentissement, le renouvellement des feuilles des cacaoyers atteints.


Selon lui, cette perte des feuilles, qui est graduelle et continue, aboutit à une destruction totale et irréversible du feuillage. Quand les branches et troncs du cacaoyer se dessèchent progressivement.


« Lorsque le swollen shoot s’installe dans une plantation, il provoque la baisse du rendement de 25% la première année, de 50% la deuxième année et la mort du cacaoyer survient au bout de trois à cinq ans », révèle-t-il.


La baisse fâcheuse de la production a pour première conséquence la réduction systématique des ressources financières des producteurs. C’est pratiquement la catastrophique pour ses producteurs qui n’ont que le cacao comme source de revenue. C’est impuissant et la mort dans l’âme que les producteurs regardent leurs vergers dessécher et mourir, synonyme d’absence de source de revenus financiers.


Zongo Abdoul, un cacaoculteur victime du swolle shoot


Pour Abdoul Karim Zongo, producteur de cacao impacté par la maladie, c’est la fin de la scolarisation des enfants. « Nous avons nos enfants sous la main faute de moyens pour les scolariser, et nous ne pouvons plus nous soigner normalement », a-t-il expliqué.


Plongé dans le désarroi et peu préparé à cette pandémie, c’est donc la ruée vers les nouvelles spéculations,


« De vastes plantations de cacao sont remplacées par l’hévéa pour la majorité, le palmier à huile », a indiqué Zongo dans un soupir.


Poursuivant, il a ajouté que dès les premiers signes de la maladie, les producteurs introduisent automatiquement les plans d’hévéa, de palmier à huile, et le cacao, progressivement, cède du terrain. Cet agriculteur souligne que l’arrachage comme unique moyen de lutte contre le swollen shoot ne rencontre pas totalement l’adhésion de certains producteurs.


« Pour le moment, il n’existe malheureusement aucun produit chimique permettant de guérir les cacaoyers malades atteints par la maladie. C’est une lutte essentiellement préventive », conclut-il.


Les zones les plus touchées dans la région de la Nawa 


Le premier foyer de la maladie, selon le chef de zone ANADER de Soubré, Comoé Barnabé, a été découvert dans le village de Petit Bondoukou, dans le département de Méagui. Ensuite a suivi le village de Kipiri a Grand Zattry dans le département de Soubré et enfin Buyo. Seul le département de Guéyo semble épargné par la maladie.


Dans les trois départements touchés, les affres de la maladie sont visibles, les vergers de cacaoyer aux branches desséchées s’étendent sur des hectares. « La maladie a ruiné l’espoir des producteurs et certains ont tout perdu, quand ceux qui ont encore des vergers ont vu leur production baisée de moitié », indique M. Comoé.


« Aujourd’hui, c’est la désolation et le désarroi pour nous qui vivons essentiellement de la vente du cacao. Nous sommes en train de sombrer sans aucun espoir à l’horizon pour nous », renchérit Koffi Marcellin, producteur de Petit Bondoukou.


Les actions de lutte des acteurs agricoles locaux


Dès l’apparition des premiers signes de la maladie entre 2006 et 2007, éclaire N’Doumi Mathieu, des mesures immédiates ont étés prises notamment la formation des agents de l’ANADER à l’identification de la maladie et à la reconnaissance des symptômes.


N'Doumi Mathieu


« Nous avons bénéficié d’une formation à Yamoussoukro avec le Centre national de recherches agronomiques (CNRA) de sorte à reconnaitre les signes de la maladie », explique l’agent ANADER, non sans indiquer qu’au retour de la formation, ils se sont déployés sur le terrain et ont pu identifier des foyers de la maladie dans trois départements sur les quatre que compte la région de la Nawa. Il s’agit notamment de Méagui, Buyo et Soubré.


Automatiquement l’ANADER a engagé, avec l’appui du Conseil café-cacao, le Fonds interprofessionnel pour la recherche et le conseil agricoles (FIRCA) et le chocolatier Mars, des campagnes de sensibilisations des producteurs et des stratégies à adopter pour contrer la maladie dans les foyers découverts de sorte que, dès que la plantation d’un paysan présente des signes de la maladie, il puisse saisir l’agence.


A l’entendre, la lutte contre la maladie est un travail de longue haleine car il n’existe pas pour le moment des produits chimiques permettant de guérir les cacaoyers malades. Il s’agit exclusivement d’une prévention basée sur l’arrachage des plants malades, la replantation avec des variétés tolérantes et l’application de bonnes pratiques culturales.


Et face à la montée en puissance de la maladie, le Conseil du café cacao, en partenariat avec le FIRCA, l’ANADER, le Centre international d’agroforesterie (ICRAF) et le chocolatier, ont lancé en janvier 2017 un projet pilote qui s’inscrit dans le cadre du programme national de lutte contre le swollen shoot. Ce programme consistait à l’arrachage et la replantation du verger malade.


« C’est ainsi que le Conseil café-cacao a lancé un vaste programme d’intensification d’arrachage et de replantation des vergers avec la mise en place d’une brigade créée par arrêté préfectoral, vu la gravite de la maladie », rappelle M. N’Doumi, qui dit qu’il s’agissait de circonscrire rapidement l’impact de la maladie dans les foyers identifiés.


Les résultats obtenus portant sur des milliers d'hectares arrachés



« A ce jour, de 300 hectares arrachés en 2016, l’ANADER est à plus de 18.050 hectares détruits en 2021 avec une prévision de 3.000 hectares en 2022 », a révélé N’Doumi Mathieu. Pour lui, l’arrachage du verger est soumis à une compensation financière aux producteurs.


« Pour un hectare de cacaoyer arraché, le producteur a droit à la somme de 50.000 f et bénéficie de semences de produit intermédiaires notamment le riz, la banane, l’igname, le maïs, le haricot car la parcelle est mise en jachère en attendant que la maladie ne disparaisse sur une période de deux à trois ans », explique-t-il.


L'arrachage, unique moyen de lutte


Pour Sawadogo Mamadi, producteur membre d’une société coopérative à Konédougou, dans le département de Soubré, la mise en jachère de la parcelle infectée par le swollen shoot est bénéfique car elle permet au producteur de compenser l’absence de production de cacao.


« Avec la jachère, on arrive à nourrir au moins nos familles le temps que le cacao ne reprenne. C’est une stratégie payante et salutaire », a-t-il expliqué. En dépit de la gravité de la maladie et de sa dangerosité, la lutte porte ses fruits.


« Ceux qui ont fait l’arrachage et la replantation et qui ont respecté les consignes des techniciens de l’agence ont des résultats probants car ont permis de circonscrire la maladie. Les pertes ont pu être compensées par la lutte préventive et la lutte continue », s’est réjoui M. Sawadogo.


C’est pourquoi, selon lui, les paysans réfractaires doivent comprendre que l’unique solution, est l’arrachage des parcelles infectées et ce message semble être entendu malgré des réticences.


Une parcelle replantée après arrachage


Pour le chef de zone ANADER Soubré, Comoé Barnabé, en dépit de la dangerosité de la maladie du swollen shoot, son impact reste dans des proportions contrôlables.


« La lutte est intense sur le terrain, nous menons le combat avec le Conseil du café cacao, ICRAF et le chocolatier. La sensibilisation continue et on espère ne pas recourir à la force pour ceux qui sont réfractaires à l’arrachage », pense-t-il.


Le Swollen shoot est une réalité bien vivante et continue de demeurer une véritable menace pour le cacao dans la région de la Nawa, boucle du cacao ivoirien. Mais les organisations professionnelles agricoles telles que le Conseil du café cacao et ses partenaires sont pied d’œuvre circoncire la maladie et sauver les vergers cacaoyers.


km/fmo


Un reportage de Koné Mamadou


Correspondant AIP à Soubré

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