Abidjan (AIP)- La Côte d'Ivoire continue de renforcer son engagement dans la lutte mondiale contre le changement climatique à travers des initiatives ambitieuses telles que le Projet de paiement des réductions d'émissions (PRE) autour du parc national de Taï (PNC). Coordonné par M. Konan Eric, ingénieur en Eaux et Forêts, ce projet innovant, soutenu financièrement par la Banque mondiale, vise à récompenser les efforts des parties prenantes dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Alors que la phase d'Appel à manifestation d'intérêt (AMI) approche de sa clôture, M. Konan livre dans une interview à l’Agence ivoirienne de presse (AIP) un état des lieux détaillé et les perspectives d'avenir du PRE.
Agence ivoirienne de presse (AIP) : La Côte d’Ivoire fait preuve d’un engagement total dans la lutte mondiale contre le changement climatique en étant partie prenante de plusieurs projets internationaux dont le Projet PRE que vous coordonnez. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?
Konan Eric : Le Projet de paiement des réductions d’émissions autour du parc national de Taï (PRE) est une initiative de la phase de paiements basés sur les résultats du mécanisme REDD+. Mis en œuvre par le ministère de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, avec le soutien financier de la Banque mondiale, ce projet vise à capitaliser les investissements des phases antérieures de la REDD+ et à récompenser les efforts des parties prenantes ayant contribué à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le projet PRE intervient dans cinq régions du sud-ouest de la Côte d’Ivoire, à savoir Cavally, Gbôklè, Guémon, Nawa, et San-Pedro, toutes situées autour du parc national de Taï. Le projet prévoit de distribuer 50 millions de dollars, soit environ 25 milliards de F CFA, aux parties prenantes, conformément à un plan de partage des bénéfices. Cette initiative vise non seulement à réduire les émissions de CO2, mais aussi à promouvoir le développement durable ainsi que le développement communautaire dans les régions concernées.
AIP : À quelle étape sommes-nous dans la mise en œuvre du projet ?
K.E : Actuellement, une campagne de recensement des bénéficiaires potentiels est en cours et un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) est ouvert depuis le 15 décembre 2023. Cette phase vise à identifier et à enregistrer toutes personnes ou entités qui ont réalisé des activités éligibles au paiement, telles que l’agroforesterie, le reboisement et la conservation forestière.
La date limite pour les inscriptions est fixée au 13 juin 2024, c’est-à-dire dans moins d’une semaine. Dans cette même veine, la Côte d'Ivoire recevra très prochainement un premier paiement de 34 millions de dollars de la Banque mondiale correspondant aux émissions réduites du fait des activités qu’elle a implémentées dans le secteur forestier notamment l’agroforesterie, les reboisements et la conservation des forêts.
Il ne reste que quelques jours à toutes les personnes qui ont fourni des efforts et qui sont désireuses de bénéficier des paiements carbone du PRE pour se faire enregistrer sur la plateforme dédiée : www.projetpre.ci
AIP : Qui peut être bénéficiaire du projet PRE ?
K.E : Les bénéficiaires peuvent être des personnes individuelles ou des personnes morales ayant réalisé des activités de reboisement, d’agroforesterie ou de conservation de forêts dans la zone du projet avant le 31 décembre 2021.
AIP : Les bénéficiaires sont donc invités à se faire recenser. Pouvez-vous rappeler la procédure d’enregistrement à cet AMI ?
K.E : Pour s’inscrire, deux options s’offrent aux bénéficiaires potentiels qui peuvent être des personnes individuelles ou organisées en groupement.
La première option consiste à remplir un formulaire d’inscription en ligne accessible à partir du site www.projetpre.ci
La seconde option est de se faire enregistrer auprès d’un de nos partenaires (Bureaux locaux du ministère de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, du ministère des Eaux et Forêts, du ministère d’Etat, ministère de l’Agriculture du Développement rural et des Productions vivrières, de l’ANADER, du Conseil du Café-Cacao, de la SODEFOR et de l’OIPR) qui se chargeront de les inscrire dans la base de données des bénéficiaires directs du projet.
Il est nécessaire de fournir à l’inscription des informations relatives à l’identification des bénéficiaires, le type d’activité réalisée, la preuve de réalisation de l’activité sous forme de levé GPS des parcelles, et à un numéro de téléphone qui permettra de contacter le bénéficiaire pour des vérifications et l’obtention d’un compte Mobile money.
AIP : Avez-vous le point des recensements déjà faits ? Quelle est la tendance ? Y a-t-il de l’engouement ou de la nonchalance ?
K.E : Le recensement connaît un succès croissant, avec des inscriptions en constante progression. Le traitement de données est effectué par notre département MNV (mesure, notification et vérification) qui travaille activement à la consolidation des données fournies par les particuliers, ainsi que celles de milliers d'autres bénéficiaires qui seront intégrées d'ici à la fin de l'AMI par la SODEFOR, L’OIPR, le Conseil du café-cacao, l'ANADER, les conseils régionaux, les coopératives, les entreprises du secteur privé et d'autres entités partenaires. Nous nous attendons donc à une augmentation significative des inscriptions d'ici à la date butoir. Cette dynamique montre un fort engagement des communautés et des organisations locales et du secteur privé à participer activement au projet, ce qui est très encourageant pour la réussite de l'initiative.
AIP : À quand le paiement aux bénéficiaires ?
Les premiers paiements seront effectués après la phase de traitement et de vérification des informations des bénéficiaires inscrits au cours du premier Appel à Manifestation d’Intérêt qui concerne les activités entreprises dans la zone du projet avant le 31 décembre 2021.
Il est prévu au terme de l’AMI une phase de traitement et de vérification des données après laquelle les bénéficiaires recevront leur paiement. Pour ce premier paiement, les bénéficiaires devraient recevoir les paiements autour du mois de septembre 2024. Au total, trois paiements seront faits jusqu’au 31 décembre 2025. Chacun de ces paiements suivra le même procédé avec un Appel à Manifestation d’Intérêt, une phase de traitement et de vérification des informations avant paiement.
AIP : Quatre ans après le démarrage du projet, que retenir du bilan à mi-chemin ?
K.E : À mi-chemin, le Projet de paiement des réductions d’émissions autour du Parc national de Taï (PRE) présente un bilan très positif, marquant des avancées significatives dans la lutte contre le changement climatique. Voici les principaux acquis à ce stade :
La révision et la validation du "Plan de Partage des Bénéfices" par toutes les parties prenantes nationales et son approbation par la Banque mondiale. Cette validation témoigne de l’adhésion de l’ensemble des parties prenantes au projet et à ses objectifs.
La soumission par la Côte d’Ivoire du 1er rapport de suivi des émissions réduites qui a été vérifié et validé par la Banque mondiale. Ce rapport met en évidence la réduction effective de sept (7) millions de tonnes équivalent CO2 réduites au cours de la période 2020-2021, attestant l’impact concret du projet PRE dans la lutte contre les changements climatiques.
Le lancement depuis le 15 décembre 2023 du 1er Appel à Manifestation d’Intérêt pour le recensement des potentiels bénéficiaires du PRE à travers une plateforme en ligne créée à cet effet. La clôture de cet AMI est prévue pour le jeudi 13 juin 2024.
La réception imminente des 1er paiements carbone associés à la mise en œuvre d’un programme juridictionnel REDD+ au niveau national. Ce paiement d’une valeur de 34 millions de dollars de la Banque mondiale récompensera le pays pour ses efforts en matière de réduction des émissions de CO2 à haute intégrité environnementale et sociale. Ces revenus issus de la vente des émissions réduites seront distribués à l’ensemble des parties prenantes et permettront, d’une part, d’améliorer les revenus des populations et de renforcer les capacités techniques et financières des organisations nationales, et d’autre part, de structurer le dispositif national pour les marchés carbone.
Avec ce paiement, la Côte d'Ivoire devient le sixième pays au monde à recevoir un paiement basé sur les résultats selon le FCPF pour ses efforts de réduction des émissions de CO2 dans le cadre d’un programme juridictionnel à grande échelle, après le Costa-Rica, le Viêtnam, le Mozambique, le Ghana et Madagascar. Cette reconnaissance internationale souligne l'engagement du pays dans la lutte contre le changement climatique et renforce sa position en tant que contributeur actif de la préservation de l'environnement mondial pour les générations futures.
(AIP)
Propos recueillis par Zagadou Alain