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Sport Publié le 3 juin 2022 | Abidjan.net

Interview /Elisabeth Moreno, candidate aux élections législatives françaises : « Ce que j’ai dit aux Français vivant en Côte d’Ivoire »

© Abidjan.net
Interview /Elisabeth Moreno, candidate aux élections législatives françaises : « Ce que j’ai dit aux Français vivant en Côte d’Ivoire »

Candidate en France aux législatives pour la neuvième circonscription des Français de l'Étranger, Elisabeth Moreno, d’origine cap-verdienne, sillonne les pays de cette circonscription dont la Côte d’Ivoire pour sa campagne. Dans cette interview qu’elle a accordée le 1er juin 2022, à Abidjan.net, elle estime que les Français de l’Étranger ne sont pas « des citoyens de seconde zone » et qu'ils ont accès aux mêmes droits fondamentaux que les Français qui vivent dans l'hexagone. Entretien.



Depuis le 26 mai vous avez entamé une tournée au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, vous êtes en Côte d’Ivoire. Que retenir de vos différents passages dans les pays africains déjà visités dans le cadre de cette tournée électorale ?

 

Je suis allée en Tunisie, à Dakar (ndr : Sénégal) , aujourd'hui à Abidjan. Ensuite j'irai à Alger (ndr : Algérie). J'espère pouvoir aller au Mali, en Mauritanie…


Chaque pays a sa spécificité, mais les problèmes chapeaux sont les mêmes partout. Les Français que j’ai rencontrés me parlent des problèmes de l'éducation qui est de plus en plus chère et pour lesquels les gens veulent avoir de la qualité. On me parle des problèmes de santé, une Caisse des Français de l'étranger qui parfois est très complexe.


Les gens ont du mal à avoir accès aux informations comme ils le souhaiteraient. Il y a des familles qui sont vulnérables, qui sont pauvres et qui n'ont pas les moyens d'avoir accès à cette Caisse des français de l'étranger. Or la santé, il faut que tout le monde y ait accès. La France ce n'est pas un pays où ceux qui ont les moyens peuvent se faire soigner et les gens qui n'ont pas d'argent ne peuvent pas se faire soigner.


 


Pour vous, que faut-il faire face à ces difficultés de vos concitoyens qui vivent à l’Étranger ?


Je pense qu'il faut remettre à plat la Caisse pour la rendre plus large, qu'il y ait plus de sujets de couverture mais aussi pour la rendre plus lisible et compréhensible par les Français de l'Étranger.


Il y a aussi la question des services consulaires. Beaucoup de français me disent « quand on va au consulat, on a l'impression d'aller dans un bunker, que l'accueil ne nous est pas trop favorable, qu'on nous méprise, qu'on ne nous respecte pas, les formalités sont extrêmement complexes, il y a beaucoup de bureaucratie ».


Je pense qu'il faut travailler avec les ambassades et les consulats pour faire en sorte que les Français, où qu'ils soient sont Français, ce ne sont pas des citoyens de seconde zone et ils ont droit la même qualité de service que s'ils vivaient dans l'hexagone.


Il y a aussi la question de la bancarisation. Il y a par exemple des Franco-ivoiriens qui ne peuvent pas ouvrir un compte en France parce qu’ils ne vivent pas en France alors que certains d'entre eux envoient leurs enfants pour y étudier, certains d'entre eux y vont en vacances. Donc il faut faciliter toutes ces difficultés.


Et le dernier point qui me tient à cœur, parce que moi je viens du monde de l'entreprise, je ne suis pas une femme politique classique et traditionnelle. J'ai passé 30 années de ma vie dans le monde de l'entreprise avant de rentrer en politique.


Et je crois que l'économie, à la sortie de la crise sanitaire est en berne. Que ce soit en France ou en Côte d'Ivoire, il y a une nécessité de relancer l'économie, de la redynamiser et de faire en sorte qu'il y ait de plus en plus des partenariats gagnant-gagnant développés entre les PME et les PME ivoiriennes et françaises et françaises et ivoiriennes. Et je pense aussi aux gens de la diaspora, moi je vois de plus en plus de personnes de la diaspora qui veulent se rapatrier dans le pays de leurs parents. Eh bien, pour ces gens-là, je voudrais créer un fonds d'investissements pour aider ces gens de la diaspora qui ont envie de créer un business ici en Côte d’Ivoire ou ailleurs en Afrique pour pouvoir les accompagner. Parce que, quand vous êtes un entrepreneur français basé en Côte d'Ivoire, vous êtes sous la loi ivoirienne. Ca veut dire que vous n'avez pas les aides de l'Etat français, vous êtes livré à vous-même et vous n'avez pas les aides de l'Etat ivoirien, parce que vous n'êtes pas ivoirien. Finalement vous êtes entre deux complexités. Si vous avez un entrepreneur qui ouvre un restaurant à Abidjan ou Grand-Bassam, qui crée 5 ou 10 emplois, non seulement il contribue au développement de Grand-Bassam mais aussi au rayonnement de la France à travers la gastronomie et au savoir-faire français. Et pour tout cela, il faut trouver un moyen de la valoriser.


Donc moi, j'ai décidé de travailler avec Business France, avec BPI, avec le groupement du patronat francophone, avec le Medef international. Parce que toutes ces organisations aujourd'hui, chacune travaille dans son silo, reste dans son cadre alors que si on casse ces murs et crée un véritable écosystème entrepreneurial, tout le monde a quelque chose à y gagner.


 


Au niveau de la Côte d'Ivoire, quel a été votre agenda?


J'ai fait des choses incroyables. D'abord, j'ai rencontré la communauté française qui vit ici, plus de 150 personnes dans un meeting que nous avons fait. J'ai rencontré les entreprises, des chefs d'entreprise. J'ai rencontré des femmes qui créent des start-up, j'ai rencontré des jeunes, des retraités. En fait, mon objectif est de rencontrer les différentes catégories de personnes, de français et de françaises qui vivent ici, d'entendre ce que chacun a à me partager sur ce qui va bien et ce qui ne va pas bien. Et ça, c'est ce qui me permet de prendre la véritable substance de ce qui doit être changé rapidement.


 


De façon globale, durant le mandat d'Emmanuel Macron, il est clair que l'image de la France en Afrique n'a pas cessé de se dégrader. Votre affiliation politique avec le Président Français est -elle un avantage ou un handicap pour vous?


Ce que je vois, c'est que ces 5 dernières années, il y a énormément de choses qu'Emmanuel Macron a faites mais dont les gens n'ont pas forcément conscience. Je vous donne un exemple. La restitution des œuvres d'art au Sénégal et au Bénin, ça faisait longtemps qu'on en parlait mais cela n'a pas été fait. Emmanuel Macron l'a fait. Le franc CFA, ça faisait longtemps que tout le monde en discutait, il a pris le sujet à bras-le-corps. Il a plaidé pour qu'à l'Union européenne, les pays africains aient aussi leurs doses de vaccin quand on a commencé à vacciner tout le monde pour sortir de la crise. Il a réuni les chefs d'Etat africain à Paris pour parler de la dette africaine dans une période extrêmement complexe de l'économie mondiale. Il a travaillé sur la mémoire, parce que beaucoup de travail de mémoire a été fait, pour l'Algérie et le Rwanda. Personne ne l'avait fait auparavant. Il a réuni 4500 africains à Montpellier, des entrepreneurs, des artistes, des sportifs, qui venaient de tout le continent. Et il leur a dit : « je vois aujourd'hui qu'il y a de l'inquiétude, qu'il y a un sentiment négatif qui monte, parlons-en, discutons-en. Dites-moi ce que vous avez à me dire pour que je puisse vous répondre ». Et je pense que tout cela vient renforcer le travail très qualitatif qu'Emmanuel Macron a fait avec les institutions. Il est très proche du Président (ndr : Alassane) Ouattara avec qui il y a eu beaucoup de travail qui a été fait pour renforcer nos partenariats. Et moi je pense que tout cela mérite d'être su, d'être connu et reconnu, parce que, c'est en faisant des gestes concrets et pratiques, pas par les bla-bla, pas par la parole, mais c'est par les actes, que l'on montre que les choses évoluent. J'aime bien l'expression qui dit «ce n'est pas la peine de dire que tu m'aimes, donne-moi des preuves d'amour ». Et ça, c'est exactement ce qu'il faut que nous construisions aujourd'hui. Il faut arrêter le bla-bla, il faut être concret, être pragmatique. Et ça, ça peut arriver au travers de notre développement structurel, socio-économique, qui vont nous permettre de regarder devant nous.


 


Alors, qu'est ce qui n'a pas marché? Par exemple au Mali où on a une crise ouverte avec les autorités françaises et les dirigeants actuels de ce pays ?


Moi je ne suis pas ministre des affaires étrangères, ni ministre des armées. Donc je ne suis pas une experte sur le sujet. Mais ce que je vais vous dire; ce que les gens oublient souvent, c'est que la France est allée parce que le Mali a demandé à la France de venir l'aider à lutter contre le terrorisme qui met en danger tous les pays du monde. Que ce soit l'Afrique, que ce soit l'Europe. Et quand vous avez un allié, un partenaire de longue date qui vient vous demander de l'aide sur un sujet extrêmement grave, vous ne pouvez que répondre favorablement. Le terrorisme est en train de se déployer partout. J’étais à Grand-Bassam ce matin (ndr : 1er juin 2022), je suis allée rendre hommage à ces 18 victimes parce que certains ont décidé qu'il faillait les assassiner. C'est ça la gravité du monde dans lequel on vit aujourd’hui, et quand on doit s'associer contre ces fléaux géopolitiques (et il y a plein d'autres qui sont en cours), il faut y aller. Ce que je peux vous dire, la France est un allié et un partenaire de l'Afrique de longue date. De manière historique, nous avons l'histoire avec un grand H, nous avons les histoires avec les petits h. Ce sont tous ces africains qui vivent en France et tous ces Français qui vivent sur le continent africain, il n'y a pas de place pour qu'on se fâche, il faut qu'on trouve une manière d'avancer ensemble.


 


Vous êtes originaire du Cap Vert. Avez-vous une histoire avec ce pays ou d’autres de votre circonscription électorale ?


J'y suis née, mes parents vivent là-bas, mes ancêtres sont de là-bas, j'ai la terre de l'Afrique à la semelle de mes pieds, (Rire). Bien sûr que j'ai une histoire avec le continent africain ! (Rire).


 J'ai travaillé, j'ai été vice-présidente du groupe HP pour le continent africain. Ça fait 15 ans que je travaille en Afrique, j'ai eu à travailler avec les 54 pays africains pour développer les nouvelles technologies qui, à mon avis, sont une magnifique opportunité du digital dans la santé, dans l'éducation, dans la culture, dans l'agriculture. Dans tous les domaines de nos vies aujourd'hui, il y a ces technologies. Si nous les utilisons bien, nous pouvons faire un saut incroyable dans le développement du continent. Quand HP m'a proposé de venir diriger la filiale ici, j'ai immédiatement accepté parce que j'ai cette double culture et cette double identité chevillée au corps, et je crois que c'est une richesse. Cette richesse, beaucoup de membres de la diaspora la portent et nous devons montrer comment elle permet à nos pays de rayonner partout.


 


De nombreux français de l’Étranger n'ont pas pu voter par voie électronique. Est ce qu'on aurait pu éviter ce préjudice? Est-il possible de sauver la situation ?


Je crois qu'il est temps que l'être humain arrête de penser qu'il peut maitriser tout et que tout se passe comme il le veut. Le vote électronique est très récent, jamais on n'avait fait de vote électronique pour les législatives, mais au moins ça a le mérite d'exister, pour que les gens qui vivent trop loin, qui ne peuvent pas se déplacer puissent voter. Il y a des choses qui ont fonctionné et il y en a d'autres qui n'ont pas fonctionné. Dans la circonscription on a un peu plus de 11% de personnes qui ont pu voter par internet. On a vu ce qui a dysfonctionné. il y a eu des dysfonctionnements techniques qui ont été réglés et pour le deuxième tour je pense que le problème ne se reproduira pas. Mais il n'y a pas eu qu'Internet, je veux rappeler qu'il y a le vote classique et traditionnel. Le droit de vote est extrêmement important. C'est ce qui fait vivre nos démocraties, d'exprimer l'avenir que l'on veut construire pour nous et pour nos enfants. Je demande aux Français et aux Franco-ivoiriens qui vivent ici, de voter, de s'exprimer, de me donner leur confiance pour qu'on fasse en sorte que les Français de l'Etranger comptent, qu’ils aient leurs voix au chapitre, qu'on améliore leur quotidien, qu'on puisse faire en sorte que les politiques publiques ne les oublient jamais et qu'on se souvienne à chaque fois, que ou qu'ils soient, ils font rayonner la France et ils doivent être fiers d'être Français et qu'ils vont participer à la vie politique française.


 

Quel message souhaiteriez-vous que les populations françaises que vous avez visitées retiennent de votre passage?


Je voudrais qu'elles retiennent le fait qu’on en est aux troisièmes élections pour les législatives. Ça veut dire que depuis 2012, les Français de l'étranger peuvent s'exprimer, depuis 2012, ils peuvent dire les difficultés auxquelles ils sont confrontés, et demander que les autorités publiques ne les oublient jamais. Je veux leur dire qu'ils ne sont pas les citoyens de seconde zone, qu'ils ont accès aux mêmes droits fondamentaux que les Français qui vivent dans l'hexagone, et que pour faire vivre ces droits, ils ont besoin d'un représentant. Quand je vivais en Afrique du Sud, les deux représentations des deux institutions publiques que j'avais, c'était les conseillers consulaires et les députés. Et au travers du député on peut envoyer à nos autorités publiques, les messages qui leur tiennent à cœur. Je veux porter ce message pour la neuvième (9e ) circonscription et tous les Français et françaises qui y vivent.


Réalisée par Robert KRA

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