Elle fait partie de la génération dorée du handball ivoirien. Elle se nomme Koné Mariam, épouse Yoda. Ayant concilié les objectifs sportifs et scolaires, elle est aujourd’hui, Directeur des sports de haut niveau, au ministère des Sports et Loisirs. Koné Mariam parle sans faux-fuyants du déclin du handball ivoirien et par ricochet des valeurs qui manquent aux athlètes ivoiriens.
Que devient Koné Mariam ?
Koné Mariam épouse Yoda se porte bien. Je suis toujours dans mon département de prédilection, c’est-à-dire, le ministère des Sports et Loisirs. J’essaie d’être à la hauteur de la mission que monsieur le ministre m’a confiée. Par la grâce de Dieu, j’ai été nommée par le ministre Philippe Légré, directeur des sports de haut niveau.
Les sportifs ivoiriens vous ont connue au handball. Un mot sur votre carrière de handballeuse ?
J’ai eu une grosse carrière de handballeuse, une carrière bien remplie et pleine de bonheur mais aussi de peines. J’ai obtenu beaucoup de titres continentaux tant en équipe nationale qu’en club. J’ai presque tout gagné. Pour me résumer, ce fut une carrière faste. Mais j’avoue que le handball m’a permis de me forger un caractère de roc. Pour arriver là où je suis aujourd’hui, j’ai consenti beaucoup de sacrifices. J’ai débuté ma carrière à Bouaké, à l’école primaire lors des matches OISSU qui étaient beaucoup suivis. Monsieur Baldino Michel alias Moussa Konan, m’a détectée à cette époque (année 1976-1977) et m’a permis d’aller au Lycée des jeunes filles de Bouaké. Il m’a prise sous sa coupole en même temps que Namama Fadiga, Touré Massandjé, Krabo Désirée, Djoman Emilie, et autres. Il nous a mises dans une section sport-étude. Ce qui nous a permis d’aller à l’école tout en jouant au handball. Il nous a appris que la gloire se trouve au bout de l’effort. C’est l’ambiance dans laquelle j’ai évolué. Monsieur Baldino a été un père pour moi. Une anecdote, j’étais très polyvalente. J’étais une athlète (course de fond) et je jouais au basket-ball. Et j’avoue que je m’orientais vers le basket-ball mais monsieur Baldino m’a vite récupérée. Je ne regrette pas aujourd’hui et je lui dis merci au passage. Il était un père pour nous. Il a même acheté nos premières pilules et nous a appris à les utiliser. Après Bouaké, cap a été mis sur Abidjan où je continuais à aller à l’école pendant que je jouais. J’ai eu mes diplômes à l’INJS et j’ai commencé à travailler. Enseignante d’EPS au Collège Moderne du Plateau, je continuais de jouer au handball. En équipe nationale, j’ai été de la crème qui a écrit les lettres de noblesse du handball ivoirien. A travers l’Afrique, l’hymne national de la Côte d’Ivoire a tonné et cela m’a fait énormément plaisir. Aujourd’hui, je suis professeur d’EPS. Il y a quelques années en arrière, chef de service des manifestations sportives à l’Office national des sports (ONS), ensuite conseiller technique du ministre Dagobert Banzio. Avec le ministre Banzio, j’ai appris beaucoup de choses, parce que c’est un mordu du travail. Avec le ministre Légré, c’est la même chose. Ce dernier a bien voulu me nommer directeur des sports de haut niveau. Il sait donner son enthousiasme pour inciter au travail. Le ministre Légré a envie de booster le sport au haut niveau. Il veut que le sport soit le creuset de la réconciliation nationale après la grave crise qu’a connue le pays. Il veut d’excellents résultats pour les différentes sélections nationales. Le sport va très vite, il est hyper modernisé. Il faut suivre le rythme si on veut être dans le concert des nations. Il y a beaucoup de défis à relever dans cette grande direction.
Depuis votre départ, le handball ivoirien a sombré au niveau des dames. Selon vous, qu’est-ce qui justifie cette descente aux enfers ?
Motion de soutien à ce que vous venez de dire. Malheureusement, le constat est net : le handball ivoirien tire le diable par la queue. Il est l’ombre de lui-même. Ce qui a fait la force de ma génération, c’est qu’elle se battait avec passion pour le drapeau national, sans rien attendre en retour. Le plus important pour nous, c’était d’entendre l’hymne national retentir. Le seul fait de dire que la Côte d’Ivoire est championne d’Afrique, nous réjouissait énormément. C’est cela qui amenait ma génération à vouloir toujours se battre pour être aux compétitions internationales et gagner. On jouait par plaisir et pour se faire plaisir. On était une génération disciplinée parce qu’on a été à la bonne école. A l’époque, il y avait du travail qui était fait au niveau des différentes écoles, lors des compétitions OISSU. Les encadreurs aimaient le sport et ils donnaient tout leur savoir-faire aux athlètes. C’était la belle époque. Aujourd’hui, la donne a changé. Quand ils ont supprimé tout ce qu’il y avait comme internats, le sport a commencé à prendre un coup, l’OISSU a commencé à prendre un coup. Au niveau des encadreurs, on ne sent plus l’enthousiasme. On ne sent plus la hargne de vaincre qui nous animait. Il y a eu un laisser-aller au niveau de l’éthique sportive. Des athlètes ont commencé à avoir des comportements peu sportifs. Les revendications ont pris le dessus et ce que l’on constate maintenant, c’est un syndicalisme de joueurs focalisés sur les primes. L’argent a pris le dessus sur tout. La joie d’entendre l’hymne national n’est plus une priorité pour les athlètes ivoiriens. Les athletes ivoiriens toutes disciplines confondues sont focalisés sur l’argent.
Il faut refaire la mentalité du sportif ivoirien. Le ministre Légré a dit quelque chose qui m’a fait énormément plaisir et je cite : « quand il s’agit de défendre le drapeau ivoirien, rien n’est à marchander ». Il y a des problèmes, c’est vrai, mais le plus important, c’est que la Côte d’Ivoire retrouve sa place dans le concert des nations, surtout à partir du sport. Aujourd’hui, il faut parler, communiquer avec les athlètes pour qu’ils comprennent certaines valeurs.
Brigueriez-vous encore le poste de président de la Fédération ivoirienne de handball ?
Je l’ai essayé une fois et j’avoue que j’ai été déçue du comportement de certains responsables de clubs. J’ai dû renoncer au second tour au profit de Brahima Ouattara. Ma déception a été grande parce que je me suis dit que de par mon parcours et pour tout ce que j’ai fait pour le handball ivoirien, ils allaient me soutenir comme ils l’avaient promis. C’est du passé et je ne compte plus tenter cette aventure. Parce que j’occupe un poste de responsabilité qui ne me permet plus de diriger une Fédération. Il y a eu une période pour cela et je ne compte plus recommencer.
Vous avez parlé de l’équipe nationale sans dire mot sur l’Africa Sports d’Abidjan, le club qui vous a tout de même révélée. Est-ce un oubli ou bien avez-vous des griefs contre le président de ce club ?
Pas du tout. Après Bouaké, c’est le club avec lequel j’ai gagné en maturité. Tous les trophées, c’est avec l’Africa. On avait une grande équipe de l’Africa. Si on voulait faire une équipe nationale au niveau des clubs, sur les sept entrants, on pouvait dénombrer quatre à cinq joueuses de l’Africa Sports. On était les meilleures et cela dépassait les frontières ivoiriennes. Le club m’a beaucoup apporté. On avait à l’époque, un président charismatique, il est toujours là, mais, il faut dire que c’est un vrai passionné, le président Paul Gogoua. Nos rapports sont excellents et sont des rapports de père à fille. Il a donné toute sa passion au handball ivoirien au point que le handball ivoirien rime avec son nom. Il s’est donné les moyens pour que l’Africa soit une machine redoutable.
Mais l’Africa Sports ne marche plus comme par le passé…
Ce qui arrive à l’Africa, est le fruit du choix du comité directeur d’alors. Ils avaient misé sur la performance à outrance et ils avaient quitté le volet formation. Quand vous avez opté pour la performance à outrance et que les athlètes commencent à vieillir, l’équipe prend un coup. Pour des dames qui sont appelées au foyer, il faut s’attendre à cela. L’Africa a oublié d’assurer la relève. Aussi, il faut dire que le handball ivoirien a connu assez de problèmes avec la suspension des clubs et de dirigeants. L’environnement n’était pas bon à un moment donné. Et pourtant, le handball ivoirien a fait plus que les autres disciplines en termes de lauriers au plan international. Il faut aider la Fédération à repartir sur de nouvelles bases. La relève n’est pas assurée dans tous les clubs et c’est là le nœud du problème. Il est impérieux de reconstruire les équipes nationales masculines et féminines.
Quels conseils pouvez-vous donner à certains athlètes qui délaissent leurs études pour embrasser une carrière sportive qui n’est pas toujours une garantie?
Le sport est le domaine dans lequel on ne peut pas tricher. C’est l’expression corporelle qui est installée dans toute sa splendeur. On ne triche pas. Je tiens à rappeler que j’ai su concilier sport et études pour être aujourd’hui Directeur. J’ai joué tout en allant à l’école. Parce qu’une petite blessure au sport, peut signer l’arrêt de votre carrière. Si une personne n’a pas su concilier les objectifs sportifs et les objectifs scolaires, il se trouvait dans les problèmes à la fin de sa carrière. Ce n’est pas tout le monde qui réussit dans le sport. J’invite donc les athlètes à prendre au sérieux les études et à surtout être honnêtes avec le sport qu’ils pratiquent. Parce qu’on ne triche pas au sport.
Réalisée par Annoncia Sehoué
Sport Publié le 17 novembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan
Interview / Koné Mariam (Ancienne gloire du handball ivoirien), à cœur ouvert : ‘’Les athlètes ivoiriens d’aujourd’hui sont portés sur l’argent’’
© L’intelligent d’AbidjanInterview / Koné Mariam (Ancienne gloire du handball ivoirien), à cœur ouvert : ‘’Les athlètes ivoiriens d’aujourd’hui sont portés sur l’argent’’